samedi 9 janvier 2016

Réalité et irréalité. Lovecraft

Les vagues accrurent lors leur puissance et cherchèrent à perfectionner son entendement lui découvrant sous un jour raisonnable l'entité multiforme dont son actuel fragment n'était qu'une infime partie. Elles lui apprirent que chaque figure dans l'espace n'est que le résultat de l'intersection, par un plan, de quelque figure correspondante et de plus grande dimension - tout comme un carré est la section d'un cube et un cercle la section d'une sphère. De la même façon le cube et la sphère figures à trois dimensions, sont la section de formes correspondantes à quatre dimensions que les hommes ne connaissent qu'à travers leurs conjectures ou leurs rêves. A leur tour, ces figures à quatre dimensions sont la section de formes à cinq dimensions et ainsi de suite, en remontant jusqu'aux hauteurs inaccessibles et vertigineuses à l'infinité archétypique. le monde des hommes et des dieux des hommes n'est que la phase infinitésimale d'un phénomène infinitésimal - la phase tridimensionnelle de ce minuscule univers clos par la Première Porte où Umr-ay-tawill inspire les rêves des Anciens. Bien que les hommes saluent leur terre du nom de réalité et flétrissent de celui d'irréalité la pensée d'un univers originel aux dimensions multiples, c'est, en vérité, exactement l'inverse. Ce que nous appelons substance et réalité est ombre et illusion et ce que nous appelons réalité est ombre et illusion est substance et réalité.

Le temps, dirent encore les vagues, est immobile et sans commencement ni fin, qu'il ait un mouvement et soit cause cause de changement est une illusion. En fait, cela même est une véritable illusion, car, excepté pour la vue étroite des êtres vivant sur des mondes aux dimensions limitées, il n'existe pas des états tels que le passé, le présent ou le futur. les hommes n'ont l'idée du temps qu'à cause de ce qu'ils appellent le changement, mais cela aussi est une illusion.

Howard Phillips Lovecraft & E. Hoffmann Price, Through the gates of the silver key, 1933, in Démons et merveilles, traduction Bernard Noël, 1955, éditions 10-18, 1994, pp.97-98

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